Le départ de Dyscordia

La nuit était tombée depuis fort longtemps au dehors, mais nulle étoile ne perçait le lourd manteau nuageux qui plombait le ciel noir. Un vent violent en rafales soufflait dans les sous bois, lançant des sifflements entre les branches qui semblaient de longues plaintes de fantômes depuis longtemps oubliés. Dyscordia, accompagnée de son Marcheur du Vide, sortait de Lune d’Argent. Son pas était celui des perdus, de ceux qui cherchent leur chemin dans les ténèbres. Comme elle était venue de la capitale des Elfes de Sang, elle en repartait maintenant.

Un cri retentit dans la nuit : « Dyscordia ! ». Sa sœur, Lymeïa courait à sa rencontre, un grand sourire aux lèvres. « Dame Verdrey m’a congédié, car je n’avais pas à assister au conseil pour juger de ton adhésion. Du coup, j’en ai profité pour aller te chercher un cadeau ! ». Tendant les mains, la jeune Sin Dorei blonde tendit un paquet fait à la hâte. Dyscordia regarda le paquet, ne sachant vraiment que faire, toujours surprise de voir sa sœur faire preuve d’une telle désinvolture et de manque de prestance. Devant l’absence de réaction de Dyscordia, Lymeïa déchira le paquet, révélant un tabard de la Maison Saen’Thalas. La démonoiste sourit narquoisement. « Bienvenue chez nous, grande sœur ! Tu verras, c’est pas tous les jours roses, mais bon ils sont géniaux !
- Il va falloir le reprendre à l’encolure, ton morceau de tissus… ils ont pris un ours à ma place, il semble. Je n’ai pas été acceptée parmi tes amis…
- Impossible ! » Lymeïa sortit de ses gonds et attrapa sa sœur par le col. « Tu leur as menti et ils le savent ! Tu as essayé de semer le trouble ou de les manipuler ! Ils sont forts, je t’avais prévenue ! Tu as encore voulu jouer vos jeux de manigances débiles et ils se sont joués de toi ! Je t’avais dit de ne pas mentir, de ne pas essayer de les rouler !!! »
Le Marcheur du Vide essaya instinctivement de protéger sa maîtresse, mais reçut un ordre mental contraire. Aussi se ravisa t’il et resta à attendre. Dyscordia posa sa main sur celle qui tenait son col, tout en infusant une énergie d’Ombre qui affaiblit Lymeïa.
« Calme toi, j’ai fait ce que tu as dit… j’ai tout révélé, tout dit, sans rien cacher ou chercher à interpréter. J’ai ouvert mon cœur comme je ne l’avais jamais fait. En tous cas, pas que je me souvienne. Non Lymeïa je n’ai rien joué, je me suis confiée. Comme toi tu as dû le faire, je crois… Oui je comprends ce que tu as trouvé là bas. Verdrey ressemble tellement à notre mère. Pas physiquement, bien sûr, mais elle a la même vibration : une infinité de puissance dans une enveloppe de douceur. »

Le regard de Dyscordia ne souffrait d’aucune remise en cause, elle était sincère. Dans le noir alentour, un éclair déchira le ciel et vint s’écraser non loin de là, faisant voler un arbre en éclats dans une gerbe d’étincelles et des brindilles enflammées. Aucune des deux ne sursauta pourtant. Une pluie fine commençait à tomber sur les parvis du pont qui donnait accès à Lune d’Argent. Lymeïa était sous le choc de cette révélation et aucun mot ne sortait de sa gorge. Il lui semblait que le monde s’effondrait autour d’elle. Le Tabard glissa de ses mains et tomba au sol, souillé par la boue. Elle arriva à balbutier quelques mots.

« Que… qu’est ce que tu vas faire, maintenant ?
- Hé bien, que veux tu que je fasse ? On dirait que notre engeance n’est pas la bienvenue ici. Je vais voir le Magistère Rommath et voir ce que nous allons faire maintenant. Je crois que le mieux serait de relancer la Voie des Arpenteurs Silencieux pour rouvrir les portes de l’Aube Funeste. Mais fais attention, ma sœur… il semble qu’ils ne soient pas prêts à accepter notre mission et celui pour qui nous travaillons. Sois prudente et ne révèle que le strict minimum si tu veux rester avec eux. Mais garde une chose à l’esprit : nous savons qu’il n’y a que le Maître qui puisse refermer le portail. Si tu perds cela de vue, ses projets risquent d’échouer. Je prierai pour que l’Aldor ou les Clairvoyants trouvent la solution, car, si ce que nous avons mis sur pieds s’écroule, tu auras oublié notre mère pour en trouver une autre et nous sommes en première ligne pour subir le courroux de Sargeras. Et de nous, les Aldors ou les Clairvoyants n’en ont cure. Il est aussi dommage que nous ayons du sacrifier de nos mains tant de membres de notre propre famille pour rien. Enfin, je suis mal placée pour te juger ou te conseiller, je te donne mon avis. Choisis ta voie et bats toi pour. Après tout, qui sait qui aura raison… »
Dyscordia posa la main sur l’épaule de sa sœur et la salua de la tête. Puis reprit sa marche en dehors de la ville pour disparaître dans la pluie battante.